ven. 23 mars 2018

Polarisation morale subliminale

phi   éthique  

Nous sommes intimement polarisés par B/M, que nous le voulions ou non, que nous le sachions ou non. Cette polarisation s’effectue à un niveau plus profond que ce qu'en perçoit la conscience. L’image de l’aiguillon convient bien ici : nous sommes aiguillonnés (et aiguillés) en permanence vers tels comportements, telles humeurs morales, etc., — et ces aiguillons possèdent toujours une valeur morale (je suis repoussé ou attiré). Nous avons comme une oreille interne de ces choses qui nous dirigent en permanence.

Existe donc un manichéisme subliminal indépassable, toujours en veille. De ce point de vue au moins, il n'y a rien par delà le bien et le mal. Bien et Mal sont, a minima, des radicaux subjectifs.

Sans doute. Mais la question est de savoir jusqu'où cette polarisation est subie par le sujet. Car il me semble clair qu'il faut un effort spécial de la volonté ne serait-ce que pour surprendre l’action de cette propre polarisation subliminale. Et s'il nous arrive d’en surprendre les effets, c’est la plupart du temps par des coups d’oeil furtifs, et, semble-t-il, toujours après coup.

Et après coup, c’est souvent trop tard.

Jankélevitch parlait de l’occasion (kairos), et même du « centre de l’occasion », appelant à une sorte d’hyper-vigilance morale. Mais Jankélévitch parlait d’une époque qui est aujourd'hui révolue. Sans doute une telle vigilance pourra se réapprendre, se cultiver et se perfectionner. Mais, en temps voulu. Pas dans le désert moral actuel. Pas dans un monde dominé et aveuglé par cet hédonisme rationnel qui seul nous tient lieu de boussole.

Je pense qu'il faut commencer par se rendre à l’évidence que nous avons perdu tout horizon moral. Mais, comme disait Heidegger, le plus grave n’est pas l’oubli, c’est l’oubli de l’oubli. Celui qui se rend compte, fut-ce de manière imperceptible, qu'il a perdu l’horizon moral, peut se mettre à espérer des retrouvailles. C’est pourquoi je pense important de commencer par montrer, au plus près de la réalité vécue, qu’une « corde » morale continue de vibrer en nous, aussi faible soit-elle.