Politiser la science ?
Préalables
- « La science » — à un tel degré de généralité — est une expression problématique, et c’est en partie l’objet de cet article que d’essayer de clarifier avec quelles précautions on peut en parler ;
- Nous sommes entrés dans un monde où la science1, de fait, diffuse ses effets (technologiques) dans la société et doit ainsi être comprise comme une affaire politique ;
- Chaque citoyen étant directement concerné par ses effets techno-sociétaux, il devrait s’autoriser (à s’intéresser et) à parler de « la science », au moins dans ce qu'elle a de politique ;
La science se discute-t-elle ?
Un certain Fauci, pu déclarer récemment : « M’attaquer, c’est attaquer la science »2 — sous-entendu : on « n’attaque » pas la science. Plus récemment encore, l’espace public français s’est vu médiatiquement traversé par le slogan gouvernemental « on peut discuter de tout, sauf des chiffres », — une autre manière de dire que les productions de la science sont proprement indiscutables. C’est là un malheureux amalgame, une généralisation abusive.
Sans aller trop loin dans la discussion — oui, une discussion — sur la question de savoir si la science peut produire des énoncés indiscutables — ou absolument vrais, je me contenterai de quelques rappels :
a) De façon générale, toute science fait l’objet de théories, qui reposent sur des postulats, des modèles, des paradigmes, lesquels sont toujours questionnables à des degrés divers. Même au sein de la physique, qu'on reconnaît comme étant la plus « dure » des sciences, on continue de discuter.
b) Toutes les sciences ne partagent pas les mêmes régimes de preuve, ou de scientificité. Certaines sont plus expérimentales (chimie), plus ancrées dans « l’expérience », d’autres plus théoriques (cosmologie).
Et pour prendre un exemple, trivial s'il en est, même lorsqu'on reconnaît comme « vrai » que « la terre tourne autour du soleil », on devrait ajouter, en toute rigueur… pour ce qu'on en sait. — Car rien ne nous dit que cela sera vrai après-demain, ou que c’était vrai avant-hier3. Donc même ici, il y a encore de l’espace pour discuter.
Un Copernic, un Galilée, entre autres, ont discuté la science de leur époque. Quand elle devient « indiscutable », ça commence à sentir le bûcher.